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Parce
que l'essentiel est de parvenir à une représentation
efficace, quels que soient les moyens de l'efficacité,
parce que l'essentiel est dans l'intensité de
la présence, Gargallo a oeuvré tout à
la fois dans la modernité et la représentation
classique.
Ainsi, dans le catalogue de son oeuvre, l'on remarque
d'abord la construction de figures en feuilles de métal
découpé, plié, tordu, soudé
: une part de l'intelligence sculpturale de Gargallo
réside en effet dans l'attention avec laquelle
il qualifie le vide, l'ouvre ou l'enferme, le cerne
ou le laisse libre.
En 1913, il soude les bandes de fer du Portrait de Magali
dont les yeux ressemblent étrangement à
des pièces usinées. Si l'on se reporte
aux dessins et peintures de Picasso de la même
période, c'est sans peine que l'on repère
des figures de style comparables. L'une consiste à
indiquer l'oeil au moyen d'un cercle entouré
de traits obliques, les cils ; elle se retrouve dans
le Portrait de Magali comme dans la Tête de jeune
fille au chapeau garni de raisin peinte par Picasso
à Paris à l'automne de cette même
années 1913.
Gargallo
définit les éléments d'une méthode
de la transcription sculpturale qui érige l'élimination
du superflu et le graphisme dans l'espace en principes
premiers parce que le motif l'exige, pour une transcription
efficace.
Ainsi dans la Danseuse 1930, Gargallo va jusqu'à
évider les plans qui indiquent le bras droit
et la cuisse, la jambe et le pied gauche. Il n'en conserve
que les contours. Pourquoi ? Parce que ainsi, moins
pesants, ils montent mieux, le mouvement est sculpturalement
transcrit. Où l'on peut parler de sculpture-dessin
dans l'espace.Le parallèle Gargallo/Picasso s'impose
comme une évidence, également parce que
l'un et l'autre oscillent entre deux pôles, l'extrême
de l'épuration postcubiste et la statuaire gréco-romaine.
Tous deux refusent tout ordre simplificateur.
Les
bronzes et marbres de Gargallo consacrés au nu
relèvent d'une constante, le désir de
la beauté, la sublimation de l'érotisme.
Les réminiscences antiques abondent, réminiscence
ne signifiant pas pastiche ou imitation. Gargallo ne
se glisse pas à l'intérieur du modèle
gréco-romain, pas plus qu'il ne veut ressembler
à Maillol, tout comme, dans l'autre part de son
oeuvre, Gargallo n'est pas un sculpteur cubiste, si
l'on entend par cubisme une influence directe, des emprunts.
Gargallo n'accepte ni la facilité, ni les formules
toutes faites, ni la répétition de ses
propres trouvailles.
Le
catalogue raisonné, établi par Pierrette
Gargallo, la fille de l'artiste, présente, sous
une nouvelle numérotation chronologique, la totalité
des sculptures ainsi que les bijoux et les décors
de monuments. Une oeuvre dont la cohérence est
manifeste, des débuts aux derniers moments de
Gargallo. Outre les photos des oeuvres, de nombreuses
photos d'époque seront aussi pour la première
fois publiées. Cet ouvrage permettra à
un plus large public de mieux connaître ce créateur
foncièrement original, depuis longtemps reconnu
par la critique et le marché de l'art.
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